La situation en un coup d'œil
Description de la situation
Depuis la fin de l'année 2023, le Maroc connaît une épidémie généralisée de rougeole. Les premiers cas ont été signalés dans des provinces limitées de la région de Souss Massa, dans le centre du Maroc, avant de s'étendre à d'autres provinces de la région au cours du premier trimestre 2024, puis à d'autres régions du pays.
Du 1er octobre 2023 au 13 avril 2025, plus de 25 000 cas suspects de rougeole ont été signalés dans les 12 régions, dont 13 706 cas confirmés en laboratoire, et 184 personnes sont décédées.
Au cours de la semaine se terminant le 27 avril 2025, le Maroc a notifié 995 cas suspects de rougeole, soit un taux d'incidence de 2,7 pour 100 000 habitants. Alors qu'un pic national d'incidence a été enregistré au cours de la semaine 4 de 2025 (semaine se terminant le 25 janvier), une tendance à la baisse du nombre de cas a été observée pendant dix semaines consécutives, à partir de la semaine 5 de 2025.
La répartition des cas par sexe a été presque égale, avec 50,7% des cas chez les hommes et 49,3% chez les femmes. Du 1er janvier 2024 au 28 février 2025, 68% des cas sont survenus chez des personnes âgées de moins de 18 ans, et 49% de tous les cas ont été signalés chez des personnes non vaccinées.
La caractérisation génomique des échantillons de virus de la rougeole collectés pendant l'épidémie de 2024-2025 a révélé une circulation exclusive du génotype B3, qui est commun dans de nombreuses régions d'Afrique et a été associé à des épidémies dans le monde entier. Un cas isolé était associé au génotype D8 et indique probablement une importation sporadique, sans preuve de transmission locale soutenue.
Le vaccin contre la rougeole a été introduit dans le calendrier national de vaccination du Maroc en 1987 sous la forme d'une dose unique, et une deuxième dose a été ajoutée en 2014. Il est administré en deux doses : la première à l'âge de 9 mois et la seconde entre 15 et 18 mois. Selon les estimations OMS/UNICEF de la couverture vaccinale nationale (WUENIC), le Maroc a rapporté une couverture avec deux doses de vaccin contenant la rougeole (MCV2) supérieure au seuil de 95% requis pour atteindre l'objectif d'élimination. Toutefois, ce seuil n'a pas été atteint au cours des trois dernières années.
Épidémiologie
La rougeole est une maladie virale aiguë très contagieuse qui touche toutes les tranches d'âge et reste l'une des principales causes de décès chez les jeunes enfants dans le monde. La transmission se fait par des gouttelettes en suspension dans l'air ou par contact direct avec les sécrétions respiratoires de personnes infectées.
La période d'incubation varie généralement de 10 à 14 jours. Les symptômes prodromiques comprennent une forte fièvre, une toux, un coryza et une conjonctivite, suivis par l'apparition de taches de Koplik (petites lésions blanches sur la muqueuse buccale). Une éruption maculopapuleuse caractéristique apparaît environ 2 à 4 jours après l'apparition de la fièvre, commençant sur le visage et la partie supérieure du cou avant de progresser vers le tronc et les membres inférieurs. Les personnes sont considérées comme contagieuses entre le quatrième jour précédant et le quatrième jour suivant l'apparition de l'éruption.
Bien qu'il n'existe pas de thérapie antivirale spécifique pour la rougeole, la majorité des patients se rétablissent en 2 à 3 semaines avec des soins de soutien. Toutefois, la maladie peut entraîner des complications graves, notamment la pneumonie, la diarrhée, l'otite moyenne, l'encéphalite aiguë, la cécité et la mort. L'encéphalite post-infectieuse survient dans environ 1 cas sur 1000. La rougeole induit également une amnésie immunitaire, un phénomène dans lequel le virus efface la mémoire immunitaire précédemment acquise, augmentant la sensibilité à d'autres infections pendant des mois, voire des années, après la guérison.
La vaccination reste la pierre angulaire de la prévention de la rougeole. Le vaccin contenant la rougeole est l'un des vaccins les plus efficaces disponibles, un calendrier de deux doses assurant une protection à vie d'environ 97%. La vaccination permet non seulement de prévenir la rougeole, mais aussi de réduire considérablement le risque de complications potentiellement mortelles.
Réponse de la santé publique
Leadership et coordination
En réponse à l'épidémie de rougeole en cours, le Centre national des opérations d'urgence en santé publique du ministère marocain de la santé et de la protection sociale a été activé pour coordonner la réponse, avec d'autres secteurs impliqués, par le biais du système national de gestion des urgences en santé publique. Ce système est soutenu par 12 centres régionaux d'opérations d'urgence en santé publique et 82 équipes d'intervention épidémiologique rapide déployées dans tout le pays.
Surveillance et gestion des cas
Le ministère de la santé et des sports a renforcé la surveillance de la rougeole en mettant en place un système de détection et de suivi précoce des cas, ce qui a permis de réagir rapidement et d'assurer un suivi épidémiologique continu. Parallèlement, un plan de confirmation en laboratoire a été mis en œuvre en coordination avec les partenaires concernés afin de garantir une vérification précise des cas.
En ce qui concerne la gestion des cas, les établissements de santé ont été équipés de suppléments de vitamine A et de fournitures médicales essentielles, distribuées en fonction des besoins. Le protocole national de gestion des cas a été mis à jour et de nouveaux protocoles ont été élaborés et mis en œuvre pour la gestion des contacts, l'enquête sur les épidémies et la prévention et le contrôle des infections au niveau des établissements.
Vaccination
Une campagne nationale de vaccination de rattrapage a été lancée le 20 mars dernier, en collaboration avec le ministère de l'intérieur, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement préscolaire et des sports, et le ministère des affaires islamiques. Ciblant initialement les enfants de moins de six ans, la campagne a rapidement été étendue à tous les enfants de moins de 18 ans, tout en encourageant la vaccination des adultes dans le cadre des efforts de lutte contre l'épidémie. Les provinces ont été approvisionnées en vaccins, seringues et vitamine A. La campagne comprenait la vaccination contre la rougeole, la rubéole, la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (DTC), ainsi que la polio.
Suite à la campagne nationale de vaccination, le taux de vérification du statut vaccinal a atteint 98,45% au 25 avril 2025, avec un total de 10,74 millions d'enfants dont le statut a été vérifié. Un taux de 73,6% a été atteint pour la vaccination contre la rougeole-rubéole (MR), 61,8% pour la composante DTC (diphtérie, tétanos, coqueluche) et 57,7% pour le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO).
Communication des risques et engagement communautaire
Pour soutenir la communication sur les risques et l'engagement communautaire (RCCE), le ministère de la santé et des services sociaux a élaboré une stratégie de communication visant à sensibiliser le public et à augmenter le taux de vaccination. Parmi les activités menées, citons
- Une campagne médiatique nationale, comprenant une courte vidéo diffusée à la télévision et à la radio, soulignant l'importance de la vaccination contre la rougeole.
- Une campagne numérique, comprenant cinq courtes vidéos numériques (bobines), plus de 30 messages sur les médias sociaux, des articles et un questionnaire interactif.
- Mobilisation au niveau communautaire, en faisant appel aux dirigeants et acteurs locaux pour renforcer la sensibilisation du public et promouvoir l'acceptation des vaccins.
Évaluation des risques par l'OMS
Depuis octobre 2023, le Maroc connaît une épidémie de rougeole qui s'est étendue à toutes les régions du pays, avec des degrés de transmission variables et des disparités inter- et intra-régionales notables. En réponse à cette épidémie, le Ministère de la Santé et des Sports a lancé en mars 2024 une campagne de vaccination de rattrapage à l'échelle nationale, ciblant les personnes de moins de 18 ans. La campagne a été menée par des équipes fixes et mobiles opérant dans les écoles et les centres de santé et a mis en lumière les défis liés à l'hésitation vaccinale.
Au niveau national, le risque est considéré comme modéré pour les personnes non vaccinées ou incomplètement vaccinées et les personnes immunodéprimées, sur la base des facteurs suivants :
- Amélioration significative de la situation épidémiologique nationale, y compris la résolution de l'épidémie dans les régions initialement touchées. Toutefois, la transmission reste modérée dans quelques zones limitées.
- Une tendance à la baisse du nombre de cas a été observée depuis le 1er février 2025. Cette tendance est particulièrement évidente dans les zones les plus récemment touchées, où le nombre de cas a diminué de 64%. Les services de santé n'ont pas été touchés de manière significative et la capacité des hôpitaux est restée adéquate.
- Le Maroc a fait preuve d'une forte capacité de réaction en matière de santé publique, notamment en gérant avec succès les urgences sanitaires passées, grâce à l'engagement actif des principales parties prenantes.
Aux niveaux régional et mondial, le risque est jugé modéré en raison des éléments suivants :
- La situation géographique du Maroc, carrefour entre l'Afrique, l'Europe et le Moyen-Orient.
- Des déplacements importants, qui augmentent la probabilité de transmission de maladies transfrontalières.
- L'élargissement des poches d'enfants non vaccinés a créé un terrain propice à la propagation de la rougeole.
- L'insuffisance de la couverture vaccinale dans le monde reste un problème de santé publique majeur.
Avis de l'OMS
L'OMS recommande de maintenir une couverture soutenue et homogène d'au moins 95% avec la première et la deuxième dose de vaccin contenant la rougeole (MCV) afin d'atteindre et de maintenir l'immunité de la population. La surveillance épidémiologique intégrée de la rougeole et de la rubéole devrait être renforcée dans les secteurs public et privé de la santé afin de permettre la détection et la confirmation en temps utile de tous les cas suspects.
Dans les pays et les zones où les mouvements transfrontaliers sont importants, y compris les régions frontalières très fréquentées, l'OMS conseille de renforcer la surveillance épidémiologique, la préparation et les capacités d'intervention afin d'assurer l'identification et le contrôle rapides des cas suspects de rougeole. L'activation d'équipes d'intervention rapide formées et la mise en œuvre de protocoles établis sont essentielles pour empêcher le rétablissement d'une transmission endémique à la suite de cas importés. Une coordination soutenue entre les niveaux national, infranational et local doit être assurée, avec des canaux de communication efficaces à tous les niveaux du système de santé.
Pendant les épidémies, l'OMS recommande de veiller à ce que les établissements de santé disposent d'une capacité adéquate de prise en charge des cas et de prévention et de contrôle des infections afin de prévenir la transmission des infections associées aux soins de santé. Il s'agit notamment d'orienter les patients vers des chambres d'isolement pour les infections transmises par l'air, lorsqu'elles sont disponibles, et d'empêcher l'exposition à d'autres patients dans les zones communes telles que les salles d'attente.
L'OMS recommande d'assurer un large accès à la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), en particulier pour les groupes à haut risque, notamment les travailleurs de la santé et les voyageurs internationaux. Les personnes résidant dans des zones touchées par des flambées épidémiques devraient suivre les conseils de santé publique locaux pour réduire le risque de transmission.
Dans tous les contextes, une prophylaxie post-exposition doit être envisagée pour les contacts sensibles. Cela comprend l'administration de MCV dans les 72 heures suivant l'exposition ou d'immunoglobuline humaine normale (NHIG) dans les six jours suivant l'exposition pour les personnes chez qui la vaccination est contre-indiquée. Les nourrissons, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées doivent être traités en priorité.
Il est conseillé aux pays de maintenir des stocks suffisants de vaccins contre la MR/MMR et de matériel de vaccination, et de garantir l'accès aux services de vaccination pour les voyageurs internationaux qui arrivent ou qui partent, y compris ceux qui se rendent dans des zones où des épidémies sont en cours ou qui en reviennent, et pour les populations vulnérables telles que les personnes déplacées ou les communautés indigènes.
Il est conseillé aux voyageurs internationaux de vérifier et de mettre à jour leur statut vaccinal contre la rougeole avant leur départ, y compris ceux qui prévoient de se rendre au Maroc. Les personnes non vaccinées, qui ont été exposées à la rougeole ou qui présentent des symptômes compatibles avec une infection par le virus de la rougeole doivent consulter les autorités sanitaires locales avant d'entreprendre un voyage international.
Sur la base des informations actuellement disponibles, l'OMS ne recommande aucune restriction sur les voyages ou le commerce à destination ou en provenance du Maroc.